top of page

Entretien avec le Fossoyeur de films

A l'occasion du Frames Festival d'Avignon qui se tenait les 3 et 4 septembre, Jonathan alias Mélo-Man a rencontré celui qui fossoie les films plus vite que son ombre ... Le Fossoyeur de films ! L'occasion de parler cinéphilie et créativité. Tous à vos pelles, c'est parti !



Mélo-Man, alias Jonathan, journaliste chantant : Aujourd’hui, Le fossoyeur de films on vous voit sans votre pelle est-ce qu’on vous appelle plutôt François Theurel ou le Fossoyeur ?


François Theurel alias Le Fossoyeur de films : François, je suis en civil !


Vous êtes présent sur le festival Frames d’Avignon, un premier festival qui permet de faire connaître encore plus votre chaîne...


Oui bien sûr, avec Patrick de la chaîne Axolot, nous faisons partie de l'organisation du festival. C'est parti d'une envie commune, puisqu'on est tous basés sur Avignon, celle de montrer cette zone de créativité en arrivant à faire un festival qui nous convienne en tant que vidéaste et auquel on aimerait participer.


Il parait que c’est grâce à vous qu’il y a une communauté aussi importante de Youtubers sur Avignon…


Ce n’est pas grâce à moi, c’est juste que c’est moi qui ai commencé le premier à faire une chaine YouTube. Il y a eu une espèce d’émulation ! J’ai commencé en septembre 2012, j’ai été suivi quelques mois plus tard part Mathieu de French Food Porn, puis Patrick d’Axolot. L’année d’après il y a eu Adrien de Raptus, La brigade du livre. Ça été assez organique il n’y a pas eu de concertation en mode « on va conquérir le monde ». C’était juste une envie de créer.


Alors François parlons un peu cinéma, c’est quand même le thème de votre chaîne ! Est-ce qu’on peut se qualifier de cinéphile dès lors que l’on tient une chaîne YouTube dédiée au cinéma ?


Cela dépend comment tu définis le terme cinéphile. Chacun a sa propre définition. Pour certains, le terme renvoie à une définition hautaine genre « je connais le vrai cinéma légitime ». Et c'est justement une vision que je combats à travers la chaîne pour montrer que dans le cinéma il peut y avoir des trucs intéressants et très surprenants. Du vrai cinéma et du bon cinéma, il y en a partout. Sinon au point de vue étymologie du terme cinéphile, oui je le suis complètement!


Ta chaîne a pour but de parler à qui ? Aux cinéphiles ou à tout le monde ?


Le défi d'origine était de jouer sur plusieurs dynamiques, je voulais faire quelque chose de pédagogique et à la fois divertissant. Quelque chose à la fois pointu pour les gens qui s'y connaissent, mais pas complètement hermétique pour les gens qui débarquent. C'est impossible de faire la chronique parfaite, mais l'essentiel c'est que chaque personne, quel que soit son niveau de connaissances, puisse en tirer quelque chose !




Dans tes vidéos après-séance, devenu le ciment du Fossoyeur, tu rédiges totalement ton texte ou c’est de l’improvisation totale ?


Ce n'est absolument pas réfléchi, je me laisse le temps de la réflexion pendant une journée ou deux. J'improvise face caméra mais j'ai une structure dans la tête, je sais quels points je vais aborder et au montage, je sélectionne ce qui fonctionne.


Est-ce que avant d’aller voir un film tu te dis « celui-là je vais en faire une après-séance » ?


Je décide rarement de faire une après-séance avant d'avoir vu le film. Pour certains films comme Star Wars, j'ai en tête de faire une vidéo avant de rentrer dans la salle parce que le film est pertinent et qu'il y a des choses à dire en terme de pop-culture. Mais globalement je ne prends pas de décisions avant.


Dernièrement quel est le film qui t’a plu et/ou qui t’a déçu ?


Suicide Squad ? C'était chaud … (rires) Je n'ai pas eu de gros coups de cœur et ça me manque vraiment. En plus c'était l'été, j'ai été pas mal en vadrouille donc j'ai vu peu de films au cinéma. Même depuis le début de l'année je n'ai pas eu de coups de cœur. C'est triste.


Pour que l’on se rende compte, sur un mois, quel est le prorata entre le nombre de vidéos que tu sors sur ta chaîne et le nombre de films que tu vois ?


Ça dépend, j'ai des périodes de boulimies cinématographiques où je regarde trois films par jour ! Et d'autres où j'ai besoin de faire autre chose de ma vie. Parfois il n'y a pas de films qui m'intéressent au cinéma donc je n'y vais pas pendant deux semaines. Si je devais faire une moyenne, je fais très peu de vidéos par rapport au nombre de films que je vois. Je ne fais pas autant d'après séance par rapport au nombre de films que je vois. Je ne veux pas faire de surproduction où je ferai des vidéos pour dire « je pense que ce film… boarf les acteurs sont bons… les décors sont beaux ». Au bout d'un moment il faut qu'il y ait un petit truc en plus qui justifie la vidéo.


C’est là ou intervient la liberté de YouTube, il n’y pas d’obligations d’émettre une critique à chaque films, comme peuvent le faire les journalistes de presse magazine. Sur YouTube on est libre de dire qu’on n’a pas envie de parler de tel ou tel film...


Bien sûr et heureusement d'ailleurs ! Comme tu es indépendant, tu fais tout ce que tu veux. Le problème sur YouTube, c'est que tu as aussi un rythme qui est dicté par Internet. Un rythme de publication et de production qui n'est pas officiel mais qui est tacite et qui incite à surproduire surtout quand tu commences à avoir des revenus de la part de YouTube. Il y a cette peur de ne pas être présent, d'être oublié. Je poste environ 3 vidéos par mois, ce qui est une bonne moyenne. Mais ça m'est arrivé de ne rien poster pendant 5 mois, et j'ai observé un phénomène de mise en absence ou les gens me disaient « il faut que tu reviennes ». C'est assez pernicieux, il faut trouver son propre rythme et faire très attention.


Est-ce tu as déjà eu une période de blanc au niveau de la production vidéo ? Est-ce que ça c’est ressenti auprès de tes abonnés ?


Non je n'ai pas eu de vraies périodes de blancs dans le sens où je me suis absenté 2 ou 3 mois des réseaux ou de ma chaîne, ça a toujours été en flux plus ou moins tendu. Il y a des périodes où je publie plus que d'autres, ça va m'arriver de publier 4 vidéos par mois et d'autres où je suis un peu moins productif pour différentes raisons, mais aussi parce que je prends le temps de l'écriture. C'est marrant comme le public peut sentir des périodes de blanc alors qu'il n'y en a pas. Sur Internet il y a cette nécessité de mise en présence qui est compliquée à gérer, c'est oppressant si on se prend au jeu. Si on arrive à prendre du recul ça va sinon cela incite à une certaine dérive et à privilégier la quantité par rapport à la qualité.


Le fossoyeur ce n’est pas juste un simple critique c’est aussi un militant, il combat les clichés par exemple …


Militant au sens où il est pour une certaine vision du cinéma et où mes vidéos se dirigent quelque part en termes de propos. C'est pour cela que j'introduis d'autres personnages pour confronter des visions différentes du cinéma. Je n'aime pas cette vision qui consiste à dire qu'il y a le vrai cinéma et le faux cinéma.




A quel âge le Fossoyeur a pris sa pelle pour déterrer sa première critique ?


Vous le saurez dans 21 ans, quand j'aurai suffisamment fait évoluer la fiction. C'est un personnage mystérieux. Dans une des vidéos de French Food Porn on voit le fossoyeur petit avec une petite pelle. Ma passion pour le cinéma date de mon enfance et le fossoyeur est une passion qui se transmet de père en fils.


Est-ce qu’il y a une œuvre préférée ou une œuvre idéale chez les fossoyeurs ?


Non justement, c’est une question à laquelle je n’ai jamais su répondre.


Et si tu devais conseiller un film pour faire aimer le cinéma ?


C'est une question difficile parce qu'il y en a tellement. Raconter la découverte d'un film, que ce soit une découverte positive ou négative c'est comme raconter un chemin de vie. La découverte d'un film peut te faire partir sur différents chemins. Par exemple lorsque j'ai découvert Gerry de Gus Van Sant, ça a été une épreuve, c'est un film tellement compliqué, rugueux et austère, tu as qu'une seule envie c'est de sortir de la salle en courant ! C'était une sacré épreuve mais c'est une de mes expériences les plus fortes au cinéma. Et il a forgé la vision du cinéma que j'ai aujourd'hui.


C’est dans la salle de cinéma que tu retrouves tes plus profondes sensations ?


Pas forcément, un bon film est un bon film, certaines circonstances sont mieux pour découvrir certains films. Mes grands chocs, ce n’est pas juste au cinéma que je les ai eus.


Pour finir, comment est-ce que tu vois le cinéma aujourd’hui, comment tu le qualifierais ?


J'ai l'impression qu'il y a une énorme diversité de création, pas juste au niveau du cinéma mais au niveau de toutes les formes de création et notamment au niveau du web. Sauf qu'aujourd'hui il faut faire la démarche de création soi-même. Il y a ce que nous donne à voir les médias et ce qu'on peut aller fouiller soi-même. Aujourd'hui si on prend la création au sens large ça n'a jamais été aussi créatif et diversifié. Pour ce qui est du cinéma que l'on retrouve en salle, j'ai l'impression que c'est un cinéma qui "extrémise" de plus en plus. Les petits films sont de plus en plus petits et confidentiels et les énormes films deviennent de plus en plus énormes, incontrôlables et tentaculaires. Et au milieu les productions indépendantes, les films moyens, type Pulp Fiction disparaissent de plus en plus. Si on veut sortir de ce schéma il faut trouver des chemins de traverse.



Découvrez toutes les vidéos du Fossoyeur de films sur sa chaîne YouTube

>> ici


Retrouvez cette interview sur Fréquence Ciné


 





bottom of page