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Mélodies en sous-sol épisode 3 : Quand la bande son annonce le film


«Mélodies en sous-sol», c'est la nouvelle rubrique de Cinérama. Entre analyses souterraines et tops sortis de nos caves, nous allons parler en surface des grandes musiques du cinéma, chercher le lien entre les deux arts et faire quelques découvertes sonores. Prenez l'ascenseur, c'est parti, on descend !

Salle numéro 3 : Quand la bande son annonce le film


En vous parlant de Suicide Squad, on ne vous apprend sûrement plus rien. Le Joker se réincarne, Harley Quinn fait déjà bander les foules, Enchantress promet d'ensorceler le public, Captain Boomerang va faire très mal et Katana tranche dans ce petit lot de super-méchants. Vous connaissez plus ou moins l'histoire, vous avez en tête les secrets de tournage et déjà visionné cinq versions de la bande-annonce.

Et là, ca vous frappe. Cette musique qui rend les images explosives vous parle. Elle trotte dans le fond de votre crane jusqu'à n'en plus pouvoir. Elle est là, se cachant dans les tréfonds de votre cinéphilie assumée, se repliant en mode hibernation jusqu'au 3 aout prochain. Vous n'en pouvez plus, vous avez besoin de savoir. C'est à ce moment précis, pile entre le pic d'excitation et le point de non-retour, que la Warner Bros débarque. Elle vous donne ce bonbon qui vous fera patienter jusqu'au repas : la tracklist du film, le Saint Graal pour tout curieux qui se respecte.

Celle de Suicide Squad n'est pas des moindres : Skrillex, Twenty One Pilots, Eminem, Creedance Clearwater Revival, ou encore Panic at the Disco ! qui reprend le mythique Bohemian Rhapsody. Mélange des genres, diversité des sons, nos oreilles s'agitent déjà en pensant aux scènes de combat réfléchies en fonction des musiques. C'en est presque oublier que le compositeur Steven Price va aussi proposer ses créations inédites rien que pour David Ayer.

Alors, pourquoi son travail n'est-il pas davantage mis en avant ?

La raison est simple : personne ne connaît Steven Price. A moins de s'arrêter devant un générique de fin, il est rare de s'intéresser au compositeur d'un film (sauf si tu t'appelles John Williams ou Alexandre Desplat). A l'inverse, citer Eminem, Lil Wayne ou une reprise de Queen comporte tout de suite des avantages indéniables. Leur nom peut être un véritable argument marketing en direction du public visé, de l'adolescent au jeune trentenaire.

En sortant la tracklist en amont, les studios épongent un besoin inconscient de nombreux spectateurs. Ils leur permettent d'en savoir le maximum avant la sortie du film en salles, une sorte de fausse immersion en coulisses. Le spectateur n'est plus enfoncé dans son fauteuil, il a aussi la possibilité de rentrer dans les secrets de tournage et de choix de réalisation.


Forcément, pour les studios, il devient rapidement audacieux de présenter bien à l'avance la fiche des chansons. Même si elles peuvent trahir l'intrigue de certains films ou enlever tout effet de surprise, les musiques font partie d'une culture pop commune, et donc sont même le premier vecteur de communication. Prenons l'exemple de Quentin Tarantino, mélomane dans l'âme et spécialiste de morceaux connus glissés dans ses œuvres. Pour ses « Huit salopards », il n'a pas hésité à dévoiler en ligne la bande originale bien avant la sortie sur les écrans. La collaboration d'Ennio Morricone a forcément boosté la démarche mais rien n'obligeait la production à parler des présences des White Stripes ou de Roy Orbison. L'un a composé un véritable hymne avec « Seven Nation Army », l'autre a interprété la chanson-phare de « Pretty Woman ». Tout de suite, ça nous parle. Et tout de suite, pour les studios, c'est que du bonus.



L'autre exemple, bien actuel, est celui du film d'animation Les Trolls. Si cela ne vous dit rien, c'est plutôt normal puisque le film n'est pas encore sorti sur nos écrans. Attendu pour le 19 octobre 2016, il est essentiellement connu pour un titre rapidement transformé en tube de l'année. « Can't stop the feeling ! » signé Justin Timberlake, a déjà vécu une belle carrière, présenté une première fois lors de la finale de l'Eurovision. Le clip officiel sorti deux jours après a été vu plus de 140 millions de fois sur Youtube et fait le tour de toutes les radios mondiales. Imaginez si autant de personnes se précipitent dans les salles de cinéma... Ca sent en effet le coup commercial parfait !



Alors, nous pouvons nous demander la légitimité artistique de sortir des morceaux avant le film. Argument de vente bien sûr, mais peut-être aussi argument de création. Tout le monde peut se prendre à imaginer comment les musiques vont être utilisées, comment les personnages vont entrer en interaction involontaire avec celles-ci. Elles décrivent déjà une ambiance, un parfum de ce que sera l'oeuvre finale.

Bref, une véritable salle d'attente sensorielle en attendant de passer sur le billard. Car peut-être vous ne le savez pas encore, mais avec Suicide Squad, c'est bel et bien ce qui vous attend...



Il est désormais temps de refermer ces « Mélodies en sous-sol ». Jusqu'à la prochaine salle que nous ouvrirons ensemble...

 






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