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Michael Cimino : Du génie adulé au génie oublié. [1ère Partie]

"Personne ne vit sans faire d’erreur. Je ne me suis jamais remis en question. Vous ne pouvez pas regarder en arrière. Je ne crois pas en la défaite. Tout le monde à des coups durs, mais comme le disait Count Basie : « Ce n’est pas comment vous gérez les collines. C’est comment vous gérez les vallées. »"


-Michael Cimino-



Cela fait aujourd’hui 20 ans que Michael Cimino a réalisé son dernier film en date. C’était en 1996 (oui ça fait tout juste 20 ans!). En un seul film il a su s’imposer comme une figure d’Hollywood, en traitant du traumatisme vietnamien sous l’angle du réalisme, mais surtout celui de l’ humanisme. Puis un film plus tard il est officiellement reconnu comme le fossoyeur du Nouvel Hollywood. Bon, il a été un peu accusé à tort quand même car il n’est pas le seul à avoir participé à la fin de cette décennie dorée pour les réalisateurs américains abreuvés de Nouvelle Vague française. On peut dire qu’il a enfoncé le dernier clou d’un cercueil déjà scellé depuis un petit moment. Dès lors, la folie des grandeurs des metteurs en scènes des années 1970 n’est plus tolérée par les grands studios.


Mais alors, Michael Cimino, un vrai génie ? Un fou ? Un cancre ? un tyran ? Beaucoup de choses ont été racontées sur son compte (même qu’il était devenu une femme. Nan mais des fois faut pas chercher…). Mais, le meilleur moyen de savoir qui est ce virtuose de la caméra est de se pencher sur sa filmographie seul témoin viable d’une personnalité tumultueuse et inclassable.



Michael Cimino est né le 3 février 1939 à New-York. Toute sa vie il est complexé par son physique qu’il trouve ingrat, sa petite taille (1.65m) et son âge, qu’il a longtemps cherché à dissimuler. Ce sont là de petits points qui permettent de mieux aborder le personnage. Promis à un avenir d’architecte, il se tourne vers l’art dramatique. Après avoir réalisé quelques publicités et des documentaires, il arrive à Hollywood. En 1972 il participe au scénario de Silent Running mis en scène par Douglas Trumbull. Puis il est chargé de rendre l’Inspecteur Harry moins extrémiste dans le scénario de Magnum Force (Ted Post, 1973). Repéré par Clint Eastwood, ce dernier lui offre la chance de réaliser son premier film...



Thunderbolt and Lightfoot, 1974


C’est le début de l’aventure

Entre comédie, action et drame humain, Thunderbolt and Lightfoot annonce les thèmes qui seront chers à Cimino. Ancêtre du Buddy Movie, c’est par le Road Movie que débute une carrière prometteuse. Il allie parfaitement une histoire profondément humaine à une mise en scène déjà virtuose . Il suffit de voir comment il place les décors au centre du récit, devenant un personnage à part entière pour s’apercevoir qu’un grand réalisateur est né. Même si aujourd’hui il peut sembler anecdotique dans sa filmographie, il n’en est rien, D’une c’est lui qui ouvre le bal et de deux il pose les bases de son cinéma à venir, une sorte de brouillon indissociable de son œuvre. Si Thunderbolt and Lightfoot n’est pas le succès escompté, il permet quand même à Jeff Bridges d’être nommé aux Oscars, mais surtout il permet à Cimino de se pencher sur un projet plus personnel, qu’il mettra quatre ans à concrétiser...


The Deer Hunter, 1978


Le film de la consécration


Oui ça n’aura pas prit beaucoup de temps. Michael Cimino met ici en scène la guerre du Vietnam comme jamais personne ne l’avait fait avant lui. Sujet encore très tabou aux États-Unis à l’époque, cette guerre a rarement fait l’objet de films (à part Green Berets, œuvre de propagande réalisée par John Wayne en 1968). Ici, ce n’est pas tant la guerre qui intéresse Cimino mais ses conséquences. Notamment l’impact qu’elle a sur l’individu et au-delà de lui sur la communauté à laquelle il appartient. La longue scène d’introduction, un mariage, montre une communauté unie que le drame de la guerre vient toucher de plein fouet. Le parti prit de Cimino est de montrer cette période très sombre du point de vue du cœur. Cette œuvre magistrale lui apporte une reconnaissance immédiate. The Deer Hunter remporte pas moins de 5 Oscars (dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur second rôle pour Christopher Walken) sur 9 nominations à la cérémonie de 1979. C’est un succès critique comme commerciale qui établit Cimino comme une valeure sûre d’Hollywood et comme un metteur en scène de génie. Plus rien ne semble pouvoir l’arrêter, sauf...



Heaven’s Gate, 1980


Le film de la désillusion


Oui, ça n’a prit seulement qu’un an. Une année durant laquelle Michael Cimino est passé du génie du Nouvel Hollywood à son fossoyeur. Le film est un tel échec qu’Il coûte l’indépendance de la United Artists, société de productions datant de l’âge d’or d’Hollywood. Le tournage fût très coûteux, notamment à cause des frasques du réalisateur qui ont fait littéralement exploser le budget. Pour ne citer que quelques exemples, il fait détruire toute un décor car l’écart entre les bâtiments ne lui convient pas. Il fait installer un système d’irrigation sous une prairie afin d’en contrôler la couleur de l’herbe. Des exigences qui ont un coût et il se compte en millions. Lors du premier jour de tournage le planning accuse déjà plusieurs semaines de retard. Le tournage est un véritable cauchemar pour les producteurs. Mais Cimino conserve la main mise totale sur son film et les acteurs ne semblent pas traumatisés. Une fois le tournage terminé, The Ayatollah (c’est le surnom qu’il a gagné) rend un montage de plus de 5h. Le studio le refuse et Cimino perd le Director’s Cut si cher aux p’tits gars du Nouvel Hollywood. Il est remonté par les producteurs qui proposent une version de 2H30. Mais rien n’y fait, le film est un échec total, critique et public.

Michael Cimino et Kris Kristofferson sur le tournage de Heaven's Gate


Heaven’s Gate (aujourd’hui disponible dans une version Director’s Cut de 4h, ndr) est un film malade. Il a tout du chef d’œuvre (on peut d’ailleurs le considérer comme tel au vu de son histoire qui lui confère une aura toute particulière.) mais il lui manque quelque chose. Western crépusculaire, il dresse le portrait d’une Amérique sauvage et violente. Une image qui en 1980 ne correspond pas à la mentalité de l’American Way of Life promulgué par le futur président Ronald Reagan. Et c’est en partie la raison de son échec à l’époque. Aujourd’hui le film a tous les aspects de l’œuvre pensée à la perfection et qui correspond sans doute totalement à la vision de Cimino. On en frôlerait presque l’autisme. C’est un film qui ne communique pas avec ses spectateurs, il est enfermé dans une sorte de virtuosité inaccessible. Ensuite, c’est un film qui arrive trop tard, à un moment où Hollywood a déjà changé. L’heure est aux Star Wars, aux Indiana Jones, aux productions Pop Corn qui se respectent. Heaven’s Gate est un film des années 1970, pas des années 80.


Après cet échec, Michael Cimino n’aura plus jamais une liberté de ton aussi libre que dans ses œuvres précédentes. En seulement trois films il s’est imposé comme un incontournable du Nouvel Hollywood avant d’en devenir son nécrologiste attitré. Les eighties s’ouvrent alors avec un Cimino diminué, au fond du trou. Il faut attendre cinq ans avant de le retrouver avec…


à suivre..

 

à suivre...


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