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Ce qu'on a pensé de ... Elle


Cela faisait dix ans que Paul Verhoeven n’avait pas sorti de film au cinéma, c’était en 2006 avec l’excellent Black Book, qui signait son retour aux Pays-Bas après vingt ans passés à Hollywood. Après une œuvre expérimentale un peu ratée en 2012 avec l’anecdotique Tricked, on pouvait légitimement se demander quel serait la suite de la carrière de cet immense réalisateur. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a frappé exactement là où on ne s’y attendait pas. En France…


Isabelle Huppert, absolument géniale dans ce rôle qui lui va à merveille.



Rentrons directement dans le vif du sujet, Elle est une expérience. Pour qui n’a jamais vu un film de la période hollandaise de Paul Verhoeven, ça peut-être un sacré choc. C’est subversif, c’est violent, le sexe est très présent, c’est plein d’humour, mais sombre, très sombre ! C’est souvent très glauque, véritablement malsain et tout simplement génial. Parce Paul Verhoeven manipule plein de genres en même temps dans un espèce de grand huit cinématographique qui n’affirme jamais ses intentions et passe son temps à surprendre son spectateur et l’amener dans des directions toutes aussi inattendues les unes que les autres.



« Et donc là, tu fais la morte. » -

Paul Verhoeven et Isabelle Huppert sur le tournage.



Isabelle Huppert campe une bourgeoise tout a fait ordinaire, divorcée, elle vie seule dans une grande maison, dans un quartier assez huppé, dans la proche banlieue parisienne. Il lui arrive une expérience assez traumatisante et… Rien, elle ne change rien a ses habitudes. Et pendant 2h le spectateur suit cette femme dont les réactions vont à l’encontre du bon sens le plus total. Tour à tour drôle, détestable, flippante, elle cultive un panel d’émotion impressionnant. Avec ce personnage et l’environnement qui l’entoure, Paul Verhoeven n’égratigne pas le vernis d’une certaine classe sociale, il le pulvérise littéralement à grand coup de bulldozer. Mais avec la finesse qui lui est propre. C’est à dire que si ce qui passe à l’écran est souvent borderline, le sous-texte est d’une ironie sans nom. Parce que Paul Verhoeven c’est aussi un sacré coquin.



Laurent Lafitte et Virginie Effira.

Des voisins sous tout rapports. Ou pas, parce qu’on sait pas !!!



Le Hollandais Violent débarque dans l’hexagone pour donner une véritable leçon de cinéma (ouai, rien que ça). Cinéaste éclectique au possible, il livre ici une œuvre que l’on peut rapprocher du Quatrième Homme (1983) et de Basic Instinct (1992). A l’image des femmes qu’il aime dépeindre dans ses réalisations, ce film est à voir comme une variation des différents thèmes qui jalonnent sa filmographie. Le fait qu’il vienne le réaliser en France est une très bonne chose ! Pourquoi ? Faisons un petit point désagréable sur l’état de la production cinématographique…


Elle est un véritable coup de pied (avec des Rangers hein!) au sein du Paysage Audiovisuel Françaisa. Ce dernier est totalement sclérosé dans un immobilisme qui oscille entre des comédies et des drames tous aussi génériques les uns que les autres. Les prises de risque dans la production française se font de plus en plus rare depuis une bonne quinzaine d’année. Bon, parfois il y a des exceptions (le dernier film de Bruno Dumont par exemple - voir ici -) qui confirment la règle, mais le système est frileux et c’est très pénible.


D’autant plus pénible que lorsque l’on voit Elle, on réalise que le cinéma hexagonal peut en avoir sous le capot et n’a pas à rougir d’une certaine concurrence avec nos amis américains. En France, les artistes ont une liberté de ton beaucoup plus grande, presque illimité, et pourtant... Dans cette œuvre de Verhoeven tout roule comme sur des roulettes. De la réalisation à la direction artistique en passant par les acteurs, tout fonctionne à merveille. D’ailleurs, en France il y a un vivier de comédiens talentueux trop souvent relégué dans des « comédies » minables. Ici en quelques plans seulement Virginie Effira montre l’étendue de son talent, quand à Laurent Lafitte il montre à quel point c’est un acteur extraordinaire totalement sous exploité au cinéma. Et je ne vais pas énumérer tout le cast, mais ils jouent tous très juste, presque incroyable pour une production française !


Bref, à 77 ans, Paul Verhoeven montre qu’il est encore là et qu’il est toujours aussi subversif. Maintenant il ne nous reste plus qu’à guetter où se fera sa prochaine apparition ! Espérons qu’on se donne rendez-vous avant dix ans…


 


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